samedi 30 avril 2016

J’ai testé le dopage sur internet de mon moi profond

Le regonflage d’égos déprimés est une des nombreuses fonctions que Google propose aux internautes.

Toujours soucieux d’apporter à mes fidèles lecteurs une information de première main, je n’ai pas hésité à payer de ma précieuse personne pour tester ce service.
Jugez sur pièces.

Phase 1 : je crée une « alerte » à mon nom

Google Alertes vous avertit instantanément et gratuitement à chaque fois que vous êtes mentionné sur le web.
Le paramétrage de ce système, comme le montre l’image ci-dessous, est particulièrement simple.



Une fois ce radar mis en route, à l’instar de la pêche à la ligne au bord d’un étang ombragé en plein été, il suffit de se relaxer et d’attendre.

Phase 2 : sans crier gare, je deviens l’égal de Saint Lazare

Le 6 octobre 2015 au matin, alors que je viens de franchir les contrôles de sécurité de l’aéroport de Genève Cointrin et que je me rends à l’embarquement de mon vol, un mail en provenance de Mountain View m’apprend que je suis mort.



Or, juste auparavant, la palpation chatouillante du vigile helvète m’a prouvé in vivo que je suis toujours de ce monde.

Une erreur des surpuissants moteurs de recherche de Google n’étant pas envisageable, j’ai donc du, tel le Lazare à Béthanie de l’Évangile, ressusciter au cours de la nuit, sans même m’en apercevoir.

Peut-être devrais-je envisager de me rendre en barque aux Saintes Maries de la Mer en Camargue avec une grande partie de ma famille. [*]

Phase 3 : hourra ! je suis piraté !

Cette semaine, toujours au matin, l’alerte Google annonce que mon livre sur le développement agile de produits innovants est disponible au téléchargement.

Ma surprise est grande car ce n’est pas franchement un scoop. Ce bouquin est sorti fin 2011 simultanément en papier et en version dématérialisée.

Intrigué, je teste le lien qui me conduit vers un site manifestement peu légal où mon oeuvre indépassable est proposée en téléchargement libre et gratuit.



Pour tout auteur plus soucieux de son aura que de sa rémunération, le piratage est le Graal absolu.
Qu’un inconnu tirant ses revenus de publicités douteuses fasse l’effort de récupérer votre bouquin et de le mettre à disposition de tous indique que votre production recèle une véritable valeur.
Les copieurs ne s’intéressent pas aux nanars.

De surcroît, le site affiche pas moins de 29 commentaires, tous élogieux et, tenez vous bien, dans la langue de Steve Jobs.



Ragaillardi par cette excellente nouvelle, je pars à mon travail remonté comme un coucou suisse.
Je me promet, dès le soir, de télécharger, pour en faire un collector, la version piratée de mon propre livre.

Phase 4 : je redescends sur terre

En fin d’après-midi, à peine terminé mon dur labeur, je me précipite sur le lien sensé mener gratuitement à mon indépassable livre.

Et là - coup de tonnerre dans un ciel serein - au lieu d’obtenir ma bible de l’agilité et de l’innovation, j’atterris chez un certain Playster qui se présente comme le « Netflix des livres ».



Quelques vérifications rapides permettent de constater que les nombreux bouquins exposés sur le site de piratage pointent tous vers ce même service et que les commentaires sont strictement identiques pour chaque ouvrage.

Quant au soit-disant Netflix des livres, il ne tient pas ses promesses puisqu'il ne propose même pas à ses abonnés l’Everest de la pensée innovante.

Phase 5 : je médite les classiques 

Rien de tel que le recours aux grands textes de la littérature pour remettre sa modestie en marche et ses oreilles dans le sens du vent.

Comme aurait pu l’écrire le regretté Jean de la Fontaine « tout e-flatteur vit aux dépens de celui qui le clique ».

Tweet récent à propos de la fable "le corbeau et le renard" et de son auteur Jean de la Fontaine

Baudruchiquement votre

Post Scriptum
[*] Lazare de Béthanie, alias Saint Lazare, est un personnage de l'entourage de Jésus, apparaissant dans le Nouveau Testament.

D’après l’Évangile de Saint-Jean, Lazare aurait passé l’arme à gauche peu de temps avant le passage du Christ dans le village de Béthanie qui le ressuscita en se rendant devant son tombeau et en lui ordonnant d’en sortir.

Quelques temps plus tard, une fois l’épopée de Jésus terminée, Lazare, ses deux soeurs - (Sainte) Marthe et (Sainte) Marie de Béthanie - et leur servante (Sainte) Sara dite la noire inaugurèrent une pratique touristique maritime remise au goût du jour récemment.
Pourchassés par les troupes romaines, cette famille quitta la rive sud de la Méditerranée, probablement sur le littoral syrien, dans un bateau de fortune qui, après une longue dérive, finit par s’échouer en Camargue dans l’actuel village des Saintes Maries de la Mer.

Ces réfugiés essaimèrent en Provence. Ainsi Lazare se rendit à Marseille qu’il convertit au christianisme et dont il devint le premier évêque.

J'en profite pour souligner le mépris qu’affiche la SNCF pour les premiers temps de la chrétienté puisque la gare de Marseille s’appelle Saint Charles qui fut archevêque de Milan et que la gare Saint Lazare est bizarrement située à Paris.

Références et compléments
Je remercie chaleureusement Stéphène, accoucheuse du livre objet de cette chronique, et Jean qui tient souvent ce même rôle pour ce blog.

Article sur Lazare de Béthanie dans Wikipedia.

Mes supporters les plus acharnés peuvent consulter la page consacrée à mon bouquin sur le site de l’éditeur Eyrolles ou se rendre sur Amazon.

Je rappelle, à toutes fins utiles, que pirater un livre ou toute autre oeuvre de l’esprit, est officiellement vilain et illégal.

Le tweet du 18 avril 2016 sur Jean de la Fontaine a été mis en ligne par la twittonaute Cheikha Sophia.